Le terme « cartulaire » dans l'ouest de la Wallonie
Dans l'ouest de la Wallonie, dès la fin du Moyen Âge, les registres de rentes, de cens, de dîmes, ont très souvent été appelés cartulaires des rentes, des cens, des dîmes. Un certain nombre d'entre eux ont été consultés et sont mentionnés dans le répertoire, avec l'indication très claire du fait qu'il ne s'agit pas d'un cartulaire ; toutefois, il n'était pas possible de tous les consulter et les répertorier, surtout pour l'époque moderne. L'exemple de l'abbaye de Cambron, pour laquelle ils ont été très rapidement traités peut éclairer ce phénomène.
Parallèlement, on peut noter dans l'inventaire récent des archives de l'abbaye Saint-Nicolas des Prés (Jacques Pycke et Marie Van Eeckenrode, Inventaire du chartrier et des archives de l'abbaye tournaisienne de Saint-Nicolas-des-Prés (1126-1795) reposant aux Archives et Bibliothèque de la Cathédrale de Tournai, Tournai / Louvain-la-Neuve, 2008) l'existence de nombreux registres ainsi appelés cartulaires : E 10 (cartulaire des rentes à Vezon, Bertencroix et Fontenoy, 1711), E 18 (cartulaire des rentes de Landas, 1564), E 19 ("Cartulaire de plusieurs rentes héritières et perpétuelles" à Landas, 1577), E 20 (cartulaire des rentes dues par le prieuré de l'abbaye à Landas, 1577), E 21 (cartulaire de plusieurs rentes appartenant à l'abbaye sur les terres de Landas, 1577), E 23 (cartulaire des rentes à Obigies, 1637), E 24, 25 et 26 (cartulaire des sous-rentes à Roubaix, 1626), E 32 (cartulaire des héritages à Wasmes, Maubray, Roucourt, Gramont, Bury et Tourpes, 1711), E 33 (cartulaire du terrage de Wasmes-lez-Briffoeil, 1755), E 36 (cartulaire des dîmes de Saint-Nicolas-des-Prés, renouvelé en 1711) et E 40 (cartulaire des cachereaux d'Antoing, touchant leur droit de terrage et dîme sur le territoire de Wasmes et des environs, 1623).
On peut même remarquer l'utilisation du terme de cartulaire pour des obituaires comme dans le cas de l'obituaire de Hollain, manuscrit du XVe siècle. De façon similaire, un inventaire des archives de la paroisse de Pecq du XVIIIe siècle mentionne un "cartulaire des obits sur parchemin avec partie de missel" (Claude Depauw, "Notes sur Pecq sous l'Ancien Régime", dans Pecq. Un village du Hainaut tournaisien, Tournai, 1992, p. 43) ; il n'est toutefois pas possibe de dire si l'appellation cartulaire est présente dans le manuscrit lui-même ou si elle a été introduite par l'auteur de l'inventaire.
Pour le chapitre cathédral de Tournai, seuls certains de ces cartulaires de rentes ont été consultés : ceux qui étaient généraux pour un office et, le pus souvent, qui dataient de l'époque médiévale. L'exemple de l'office du cellier est remarquable quant à ces problèmes de terminologie : le plus ancien de ces cartulaires de rentes (Ms. Tournai, ACT, Registre 38 D) est inventorié sous le titre cartulaire de rentes alors qu'il est intitulé livre dans le manuscrit, le suivant est encore intitulé livre (Ms. Tournai, ACT, Registre 506 A), mais le troisième est intitulé cartulaire (Ms. Tournai, ACT, Registre 506 B), tandis que le quatrième est intitulé chassereau (Ms. Tournai, ACT, Registre 506 C) - il est vrai que celui-ci est nettement moins détaillé et se contente de mentionner, rue par rue, le nom du débirentier et les sommes dues à chaque terme.
D'après Léopold Devillers, le terme cartulaire a été utilisé dans la région pour tous les registres établis à l'aide d'actes originaux et non pour les seuls registres transcrivant ces actes originaux (Léopold Devillers, Cartulaire des rentes et cens dus au comte de Hainaut (1265-1286), Mons, 1873, p. IX : « On a attribué au recueil que nous éditons, et qui est un véritable papier terrier, la qualification de cartulaire, bien qu’il ne renferme aucune transcription complète de chartes ; mais en Hainaut les registres de l’espèce sont ordinairement ainsi désignés, sans doute parce que les données qu’ils comprennent résultent d’actes et de titres originaux.»)
Il serait sans doute intéressant de voir si l'aire géographique recouverte par cette utilisation extensive du terme de cartulaire a d'autres pratiques terminologiques ou scripturaires particulières, de voir par exemple si elle coïncide à l'aire géographique d'utilisation majoritaire du chirographe échevinal à la place de l'acte scellé.